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Manouchian et ses camarades de Résistance au Panthéon : l’original de la dernière lettre de Roger Rouxel à Mathilde conservée dans nos collections

21/02/2024

« Je meurs en soldat de la Libération »

Il était le plus jeune des 22 compagnons d’armes de Missak Manouchian et l’un des trois Français du groupe avec Georges Cloarec et Robert Witchitz (de père polonais). Roger Rouxel est tombé lui aussi sous les balles allemandes au Mont-Valérien le 21 février 1944, à l’âge de 18 ans. 80 ans après son martyre, jour pour jour, son nom est inscrit sur une plaque commémorative apposée au Panthéon, aux côtés des dépouilles de Missak et Mélinée Manouchian.

Engagé à l’âge de 16 ans

Né à Paris le 3 novembre 1925 dans une famille communiste, Roger Rouxel s’engage dans la Résistance à l’âge de 16 ans en mars 1943. Il rejoint les Francs-tireurs et partisans-main d’œuvre immigrée (FTP-MOI) avec Robert Witchitz, un ancien camarade d’école, et prend le pseudonyme de Léon. Le jeune ouvrier tourneur sur métaux est arrêté le 14 novembre de la même année à la suite d’une attaque contre un convoyeur de fonds allemand. Interrogé et torturé par des inspecteurs de la Brigade Spéciale, emprisonné à Fresnes, il est condamné à mort. Peu avant son exécution, il écrit deux lettres : l’une à ses parents, l’autre à sa petite amie, Mathilde.

Arch. dép. de la Corrèze, 172J, Fonds Armand Gatti.

Des années après sa disparition, cette dernière missive émeut Armand Gatti. Touché par la plume du condamné et sa jeunesse, le dramaturge, qui fut lui aussi résistant mais dans le maquis de Tarnac (19), décide d’utiliser le texte comme point de départ d’un projet d’écriture collective mené avec une association culturelle de la ville nouvelle de L’Isle-d’Abeau, près de Lyon. Le sort tragique de Roger Rouxel donne lieu à une série de sept documentaires intitulée « La première lettre ». Six des sept films écrits par Armand Gatti et réalisés par son fils Stéphane, seront ensuite diffusés sur FR3 en 1979.

Première et dernière lettre d’amour

La première et dernière lettre d’amour du jeune résistant a été soigneusement conservée par Mathilde puis par Armand Gatti et sa famille. Elle a été donnée à la commune de Tarnac par Stéphane Gatti avec un portrait de son défunt auteur. En 2021, la collectivité a choisi de déposer des documents provenant des archives d’Armand Gatti aux Archives départementales de la Corrèze, dont l’original de la lettre de Roger Rouxel. Réunis au sein d’un fonds sous la référence 172J, ils ne sont pas encore communicables en salle de lecture. La lettre de Roger Rouxel a été numérisée avec son portrait.

Arch. dép. de la Corrèze, 172J, fonds Armand Gatti.
Cliquez sur les images deux fois pour les agrandir.

 

En voici, ci-dessous, la transcription.

« Le 21.2.44

Chère petite Mathilde chérie,

Je t’écris une première et dernière lettre qui n’est pas très gaie : je t’annonce ma condamnation à mort et mon exécution pour cette après-midi à quinze heures avec plusieurs camarades. Je te demande d’avoir beaucoup de courage. Je vais mourir en pensant à toi jusqu’à la dernière seconde comme j’ai toujours pensé. Je meurs courageusement et en patriote pour mon pays. J’ai fait mon devoir de soldat. Je te demande d’oublier ce cauchemar et te souhaite d’être heureuse car tu le mérites. Choisis un homme bon, honnête et qui pourras te rendre heureuse. Conserves ma mémoire le temps que tu voudras mais il faut te dire une chose, personne ne vit avec les morts. J’avais fait pour toi et moi de beaux projets mais le sort en a décidé autrement. Je te jure que je n’ai jamais eu un moment de défaillance. Je meurs en soldat de la Libération et en Français patriote. Tu demanderas si tu le désires à mes parents chéris, que je vais quitter avec un grand regret, un souvenir de moi qui ne devra jamais te quitter.

« J’espère que le souvenir de mes camarades et le mien ne sera pas oublié »

Tu diras aussi à tous mes camarades que tu connais que je les quitte en pensant à eux, qu’ils pensent un peu à leur camarade qui est mort pour sa patrie. Chère Mathilde, j’aurais bien voulu ainsi que mes parents vous serrer une dernière fois dans mes bras, mais le temps me manque. Je pense tendrement à tes parents, à toute la famille que je regardais déjà presque comme la mienne ; mon dernier souvenir va aussi vers tous les voisins et amis que je quitte en embrassant de tout cœur. J’espère que le souvenir de mes camarades et le mien ne sera pas oublié car il doit être mémorable, petite Mathilde. Je te demande d’être heureuse, c’est ma dernière volonté. Ma lettre n’est pas très bien écrite, mais ce n’est pas de ma faute, conserve-la parmi les objets qui te sont les plus précieux.

Je termine en t’embrassant de tout mon cœur et ton souvenir m’accompagne jusqu’au bout.

Ton petit ami qui te quitte pour toujours.

Roger Rouxel

Vive la France »

 

Roger Rouxel fut reconnu « Mort pour la France » le 14 décembre 1945.

L’affiche rouge (Arch. dép. de la Corrèze, 44Fi/34).

Sources : 

Le Maitron, notice Rouxel Roger, Joseph, Léon par Daniel Grason, Michèle Rault.

Site du fonds de dotation Armand Gatti.

Krivopissko Guy, La vie à en mourir, Lettres de fusillés (1941-1944), Tallandier, Paris, 2003 (Arch. dép. de la Corrèze, 3/2059).

Le programme de la cérémonie mémorielle au Panthéon est présenté sur le site du Ministère de la Culture.

 

Contacts : Justine Berlière, directrice ;

Tél. : 05.55.20.11.91

Site internet : www.archives.correze.fr

Mél. : archive19@correze.fr

www.facebook.com/archivesdepartementalescorreze/

 

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